[Livre] Aux animaux la guerre ***

Dans ce genre si prolifique qu'est le polar, il est nécessaire de procéder à un gros tri pour séparer le bon grain de l'ivraie. Nombreux sont les auteurs qui ne s'embarrassent ni du style, ni d'un quelconque souci d'originalité, mais préfèrent appliquer des recettes efficaces bien connues qui flattent le lecteur peu exigeant. Aussi, lorsqu'un petit nouveau débarque avec un premier roman ambitieux et convaincant on ne boude pas son plaisir et même on pardonne quelques faiblesses.

Nicolas Matthieu publie chez Actes Sud en mars 2014 son premier roman, Aux Animaux la guerre. Derrière ce titre énigmatique (que la lecture de l'ouvrage n'éclairera pas réellement d'ailleurs) se cache une fresque noire où se côtoie la misère sociale d'un monde prolétaire sur le déclin et les petites magouilles d'un prolo aussi attachant qu'empoté. Martel est représentant du personnel dans une entreprise vosgienne empêtrée dans un plan social, respecté et vaguement charismatique. Pour rembourser ses dettes, il se lance dans un drôle de marché avec des petites frappes locales. Sur sa route il croisera une ribambelle de personnages que l'auteur sait dépeindre avec un vrai talent : Rita, inspectrice du travail (dont il s'amourachera rapidement), Bruce, un partenaire d'infortune qui brillera plus par ses compétences musculaires que cérébrales, Jordan, un jeune amoureux de la belle plantureuse de son lycée...

La construction du roman est fait d'aller/retours permanent, chaque chapitre proposant un focus sur un des personnages, alternant ainsi les points de vue et les contextes. Il faut louer à Nicolas Matthieu un réel sens de la narration, l'ouvrage rappelant ainsi les romans de Peter May ou les premiers films de Gonzales Inarritu (Babel ou 21 grammes). Côté cinéma, on pense aussi à l'ambiance des films de Bruno Dumont (La vie de Jésus ou Flandre) ou des frères Dardenne.

Si l'ambiance pesante, froide, un rien poisseuse qui infuse tout du long est un réel atout du livre, il pêche à certains moments quand il s'agit de donner de l'envergure à certaines scènes à suspens. Quand l'ouvrage devrait devenir haletant, angoissant, stimulant, un léger temps mort s'installe et l'auteur ne semble pas avoir les moyens de faire décoller le récit.

Petit bémol qu'on peut pardonner à ce premier roman, tant les 440 pages glissent de façon très fluides grâce à une histoire habilement ficelée et à ses personnages dont l'épaisseur dramatique ne cessera de croitre durant tout le roman. Auteur à suivre !

Note : 3,5/5

Auteur : Nicolas Matthieu

Editeur : Actes Sud / Babel Noir

Année : mars 2014

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