La belle saison ***

La belle saison aurait pu être un simple film à l’eau de rose. Une amourette entre ras des villes et ras des champs, sur fond de lutte des classes en période politiquement mouvementée. Carole (Cécile de France) est prof d’espagnole, elle milite activement pour le droit des femmes, elle est la parisienne typique des années 1970 (intello, libertaire…). Delphine (Izïa Higelin) est fille de paysan, expatriée à la capitale où elle campe un poste peu reluisant. Le hasard (toujours lui !) fait croiser leur chemin à ces deux jeunes femmes que tout oppose.

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer de prime abord, c’est Delphine qui mettra le feu aux poudres et fera prendre conscience à Carole (et au spectateur par la même occasion) que la sexualité n’est jamais binaire (homo/hétéro) mais aussi toujours une histoire de rencontre. Carole est-elle vraiment lesbienne ? Ou juste passionnément éprise de Delphine ? Qu’importe, ce qui reste au final c’est l’authenticité des sentiments exprimés et du désir ressenti peu à peu par la parisienne.

L’idylle vécue par les deux protagonistes se corse lorsque le père de Delphine passe près de la mort et devient impotent, rappelant celle-ci à de plus primaires contingences : la nécessité vitale de faire tourner l’exploitation agricole. C’est désormais dans l’univers rural, où les mœurs sont pour le moins plus étriquées, que les deux jeunes femmes continueront tant bien que mal leur aventure. Réussiront… réussiront pas… ? Tel est l’enjeu central du film.

S’il apparait curieux qu’Izïa Higelin ait reçu le césar du meilleur espoir féminin pour le très anecdotique Mauvaise fille, ici elle est impeccable dans ce rôle de jeune paysanne. Tiraillée entre la fougue de sa passion pour Carole, qui la dévore jusqu’à l’os, et le poids des normes, des traditions (patriarcales, traditionnelles, conservatrices) pour qui l’homosexualité est au mieux une anomalie, au pire une infamie. Face à elle, toujours aussi rayonnante, une Cécile De France pleine de vie qui campe à merveille cette féministe convaincue et militante, ébranlée dans ses combats politiques par la puissance des sentiments qu’elle éprouve.

Le film est néanmoins affublé d’un handicap majeur, d’un handicap exogène mais pourtant incontournable. Un handicap qui s’appelle La vie d’Adèle. Inévitablement, de nombreuses séquences (la rencontre, la naissance du désir, le premier baiser, les premiers ébats…) font clairement penser au film de Kechiche, et, comme on peut l’imaginer, la comparaison n’est pas en faveur du film de Catherine Corsini ! Ceci étant dit, ne soyons pas malhonnête, La vie d’Adèle est un chef d’œuvre, et on ne reprochera pas à un joli film très sensible de ne pas atteindre les performances de son prédécesseur. Nous avons ici un scénario très bien tenu (dernier ¼ d’heure très bien ficelé), des seconds rôles qui existent à l’écran (Noémie Lvovsky, toujours aussi géniale et le jeune Kevin Azaïs – Les combattants- confirme qu’il faut compter sur lui), deux actrices en état de grâce… Assurément un film qui clôt une saison qui – pour ce qui est du cinéma- n’aura pas été si belle que ça !

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